Dans un premier temps, l'hypothèse évoquée a été la piste
mafieuse à cause du nom du lycée, hommage au juge anti-mafia tué il y a presque
exactement 20 ans (le 23 mai 1992) dans un attentat de la mafia sicilienne et parce
qu'une "caravane de la légalité" devait passer à Brindisi ce week-end pour
célébrer cet anniversaire. Des témoins ont également fait état d'une vague
d'arrestations contre la mafia locale, la Sacra
Corona Unita, et de l'explosion criminelle de la voiture du président de
l'association antiracket de Mesagne, village où habitait la lycéenne tuée et où
est née cette mafia, spécialisée dans la contrebande
et le trafic d'armes et de drogue.
Mais la police italienne semble suivre d'autres pistes. Et
selon les médias italiens, deux suspects sont interrogés ce dimanche,
apparemment sans lien avec la mafia. Selon le site
local d'information Brindisireport, ces personnes auraient
été "identifiées grâce à des enregistrements de caméras de
surveillance" à proximité du lycée. L'un des suspects serait un
ex-militaire de carrière avec des connaissances en électronique et aurait des
proches qui vendent des bonbonnes de gaz à usage domestique. La police a
perquisitionné les domiciles des suspects.
"Celui qui a commis ce geste a tué
l'Italie"
Dans l'après-midi de samedi, déjà, le chef du parquet de
Lecce, également patron de la division locale antimafia, Cataldo Motta, avait
paru douté de la piste mafieuse. Il avait estimé que pour la Sacra Corona, ce
serait "contre-productif parce qu'un tel acte annihile toute sympathie pour
ceux qui l'ont commis". La ministre de l'Intérieur Annamaria Cancellieri a
souligné les modalités "inhabituelles" et des "anomalies"
comme l'engin utilisé et la cible, une école. Certains médias ont aussi évoqué
le geste d'un déséquilibré ou une vengeance. Le maire a souligné que l'objectif
"était délibérément de tuer les élèves car une minuterie a été
trouvée". Et plusieurs responsables ont souligné que le "code
d'honneur" de la mafia italienne lui interdit de
viser des enfants, et que les attentats mafieux ont généralement recours à des
explosifs plus sophistiqués.
C'est en effet un engin de fabrication artisanale qui a explosé
samedi vers 7h45 alors que les élèves arrivaient pour les cours du samedi matin,
au lycée professionnel Morvillo-Falcone, du nom du magistrat sicilien Giovanni
Falcone et de son épouse Francesca Morvillo. Rapidement secourue,
Melissa, une lycéenne de 16 ans, fille unique d'un ouvrier, a succombé à ses
blessures à l'hôpital tandis qu'une camarade du même âge, Veronica, opérée au
thorax, est toujours dans un état très grave. Selon les premières informations,
la bombe fabriquée avec trois bonbonnes de gaz reliées entre elles, avait été
déposée sur un muret de ce lycée de 600 élèves, qui forme aux métiers de la mode
et du tourisme, surtout fréquenté par des jeunes filles. Trois autres lycéennes
souffrent de brûlures et une quatrième de lésions dues aux débris reçus aux
membres inférieurs.
Cet attentat inédit en Italie pour la cible choisie, et non
revendiqué, a en tout cas provoqué une onde de choc dans tout le pays. Des
manifestations ont eu lieu notamment à Rome, Naples, Milan ou Bologne.
"Celui qui a commis ce geste a tué l'Italie, pas seulement Brindisi", a
déclaré le maire Mimmo Consales, ceint de son écharpe tricolore, devant des
milliers de lycéens, syndicalistes, militants de l'environnement et simples
habitants des Pouilles réunis sur la place principale. "C'est une constante
en Italie", a déploré Enrico Fontana de l'organisation anti-mafia Libera,
"à chaque fois qu'il y a un changement", une allusion au gouvernement
technique en place depuis novembre, "quelque chose de dramatique se produit
pour déclencher la terreur, comme dans les années 70 avec le terrorisme et les
années de plomb et les attentats mafieux des années 90". Le président
Giorgio Napolitano a appelé à la vigilance et à "un maximum de fermeté"
contre "tout foyer de violence terroriste".
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