dimanche 20 mai 2012

Attentat contre un lycée italien : deux suspects interrogés

Attentat mafieux ou action d'un fou ? Sous le choc, l'Italie s'efforce de comprendre les raisons de l'attentat commis samedi devant un lycée à Brindisi. Une attaque qui a provoqué la mort d'une adolescente et a blessé plus ou moins gravement plusieurs élèves, et qui a ravivé tout à la fois le souvenir douloureux des attentats mafieux des années 90 mais aussi du terrorisme des années 70
Dans un premier temps, l'hypothèse évoquée a été la piste mafieuse à cause du nom du lycée, hommage au juge anti-mafia tué il y a presque exactement 20 ans (le 23 mai 1992) dans un attentat de la mafia sicilienne et parce qu'une "caravane de la légalité" devait passer à Brindisi ce week-end pour célébrer cet anniversaire. Des témoins ont également fait état d'une vague d'arrestations contre la mafia locale, la Sacra Corona Unita, et de l'explosion criminelle de la voiture du président de l'association antiracket de Mesagne, village où habitait la lycéenne tuée et où est née cette mafia, spécialisée dans la contrebande et le trafic d'armes et de drogue.

Mais la police italienne semble suivre d'autres pistes. Et selon les médias italiens, deux suspects sont interrogés ce dimanche, apparemment sans lien avec la mafia. Selon le site local d'information Brindisireport, ces personnes auraient été "identifiées grâce à des enregistrements de caméras de surveillance" à proximité du lycée. L'un des suspects serait un ex-militaire de carrière avec des connaissances en électronique et aurait des proches qui vendent des bonbonnes de gaz à usage domestique. La police a perquisitionné les domiciles des suspects.

"Celui qui a commis ce geste a tué l'Italie"

Dans l'après-midi de samedi, déjà, le chef du parquet de Lecce, également patron de la division locale antimafia, Cataldo Motta, avait paru douté de la piste mafieuse. Il avait estimé que pour la Sacra Corona, ce serait "contre-productif parce qu'un tel acte annihile toute sympathie pour ceux qui l'ont commis". La ministre de l'Intérieur Annamaria Cancellieri a souligné les modalités "inhabituelles" et des "anomalies" comme l'engin utilisé et la cible, une école. Certains médias ont aussi évoqué le geste d'un déséquilibré ou une vengeance. Le maire a souligné que l'objectif "était délibérément de tuer les élèves car une minuterie a été trouvée". Et plusieurs responsables ont souligné que le "code d'honneur" de la mafia italienne lui interdit de viser des enfants, et que les attentats mafieux ont généralement recours à des explosifs plus sophistiqués.

C'est en effet un engin de fabrication artisanale qui a explosé samedi vers 7h45 alors que les élèves arrivaient pour les cours du samedi matin, au lycée professionnel Morvillo-Falcone, du nom du magistrat sicilien Giovanni Falcone et de son épouse Francesca Morvillo. Rapidement secourue, Melissa, une lycéenne de 16 ans, fille unique d'un ouvrier, a succombé à ses blessures à l'hôpital tandis qu'une camarade du même âge, Veronica, opérée au thorax, est toujours dans un état très grave. Selon les premières informations, la bombe fabriquée avec trois bonbonnes de gaz reliées entre elles, avait été déposée sur un muret de ce lycée de 600 élèves, qui forme aux métiers de la mode et du tourisme, surtout fréquenté par des jeunes filles. Trois autres lycéennes souffrent de brûlures et une quatrième de lésions dues aux débris reçus aux membres inférieurs.

Cet attentat inédit en Italie pour la cible choisie, et non revendiqué, a en tout cas provoqué une onde de choc dans tout le pays. Des manifestations ont eu lieu notamment à Rome, Naples, Milan ou Bologne. "Celui qui a commis ce geste a tué l'Italie, pas seulement Brindisi", a déclaré le maire Mimmo Consales, ceint de son écharpe tricolore, devant des milliers de lycéens, syndicalistes, militants de l'environnement et simples habitants des Pouilles réunis sur la place principale. "C'est une constante en Italie", a déploré Enrico Fontana de l'organisation anti-mafia Libera, "à chaque fois qu'il y a un changement", une allusion au gouvernement technique en place depuis novembre, "quelque chose de dramatique se produit pour déclencher la terreur, comme dans les années 70 avec le terrorisme et les années de plomb et les attentats mafieux des années 90". Le président Giorgio Napolitano a appelé à la vigilance et à "un maximum de fermeté" contre "tout foyer de violence terroriste".

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