mercredi 19 octobre 2011

"Fadettes" : droite et gauche s'affrontent sur le cas Squarcini

Fait sans précédent dans l'histoire des services secrets français, Bernard Squarcini, patron de la Direction centrale du renseignement intérieur, a été mis en examen lundi dans une enquête sur des investigations occultes sur la presse. Poursuivi pour "atteinte au secret des correspondances, collecte illicite de données et recel de violation du secret professionnel", le suspect a reconnu les faits lors d'une audition de près de cinq heures chez deux juges d'instruction parisiens, tout en niant qu'ils constituent une infraction. Il n'entend donc pas démissionner, a annoncé son avocat Patrick Maisonneuve.
Et c'est bien là que le bât blesse. Car Bernard Squarcini est non seulement l'un des plus hauts fonctionnaires de police français, mais c'est aussi un proche de Nicolas Sarkozy. C'est l'actuel chef de l'Etat qui l'a porté à la tête de la DCRI, vouée au contre-espionnage et à la lutte anti-terroriste, et créée par ce même Nicolas Sarkozy en fusionnant la DST et les Renseignements généraux. Sans surprise, le cas Squarcini devient donc une controverse politique à part entière. Après le candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, c'est celui des écologistes, Eva Joly, qui a demandé sa démission mardi. "Je trouve absolument incroyable que le chef du contre-espionnage en France ait utilisé les moyens de l'Etat pour espionner un journaliste. C'est absolument énorme", a-t-elle dit sur France Info. "Il est mis en examen par un magistrat indépendant et la conséquence directe doit être sa démission, on ne peut pas être patron du contre-espionnage et être suspecté de violer la loi et aussi gravement", a-t-elle ajouté.
Hollande "s'étonne"
Avant elle, François Hollande s'était "étonné" dès lundi soir que le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant,"n'ait pas déjà prononcé sa démission". Cette mise en examen "n'empêche pas Bernard Squarcini d'exercer la plénitude de ses fonctions", avait aussitôt rétorqué Claude Guéant dans une déclaration transmise à l'AFP. Et François Fillon avait pour sa part mis en avant la procédure et le respect de la présomption d'innocence. "Je constate que dans notre pays, la justice est indépendante", a dit le Premier ministre dans le journal de 20 heures sur France 2. "Donc c'est au terme de la procédure judiciaire que le gouvernement devra prendre une décision s'agissant de l'avenir de M. Squarcini", a-t-il ajouté.
Le Monde, qui a déclenché cette procédure, estime avoir été victime d'un espionnage ordonné en haut lieu en raison du danger provoqué par ses articles pour l'Elysée. L'informateur du Monde identifié par la DCRI, le magistrat David Sénat, alors en poste au ministère de la Justice, a été limogé et affecté à une mission sur la cour d'appel de Cayenne. Le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, supérieur de Bernard Squarcini et autre proche de Nicolas Sarkozy, a déjà admis avoir donné l'ordre concernant l'affaire en question. Le 9 septembre, il a en effet dit à France Info : "j'ai demandé à la DCRI d'identifier le haut fonctionnaire qui, soumis au secret professionnel et ayant un accès direct à des documents sensibles, avait divulgué des informations confidentielles dans une affaire judiciaire en cours".
L'enquête menée par la juge d'instruction a cependant montré que les réquisitions de la DCRI visaient bien le téléphone du reporter du Monde Gérard Davet, ce qui semble être illégal, notamment du fait que le gouvernement a fait voter une loi en 2010 protégeant les sources des journalistes. Il n'est pas possible légalement de rechercher les sources d'un média sauf cas "d'impératif prépondérant d'intérêt public", dit cette loi. Frédéric Péchenard est lui-même convoqué par les juges d'instruction dans les prochains jours et pourrait donc aussi être mis en examen.

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