Que reproche-t-on au juste à Michel Neyret ? Il est soupçonné d'avoir été en contact avec le grand banditisme et d'avoir rémunéré des informateurs en détournant du cannabis en importante quantité. Des écoutes réalisées dans le cadre d'une enquête sur un trafic international de stupéfiants, une filière de cocaïne démantelée en région parisienne en novembre 2010, ont révélé que le n°2 de la PJ lyonnaise était en contact régulier avec les trafiquants présumés. Ces contacts ont fait apparaître des faits présumés de trafic d'influence et de corruption, avec par exemple des "arrangements" qui lui auraient permis de bénéficier de voyages, indique-t-on de source judiciaire. Il ne serait en revanche pas lié à ce trafic international de stupéfiants.
10 kilos de cannabis pour une voiture endommagée
Une information judiciaire a donc été ouverte en mai 2011 pour corruption active et passive, trafic d'influence et association de malfaiteurs. Elle a été confiée à l'inspection générale des services, la police des polices. Grâce à de nouvelles écoutes, les enquêteurs soupçonnent le policier lyonnais d'avoir détourné du cannabis avant son placement sous scellés ou sa destruction afin de rémunérer des informateurs ou pour le revendre. Selon l'une de ces écoutes, il se serait engagé à fournir 10 kilos de cannabis à l'un de ses indicateurs ayant eu sa voiture endommagée. Les échanges téléphoniques font apparaître des contacts entre le policier et des collègues qui lui demandent de faire passer "des trucs" pour d'autres indicateurs.
Dans ce volet de l'enquête ouverte en mai 2011, huit personnes sont toujours en garde à vue, cinq depuis jeudi et trois depuis vendredi matin. Parmi eux, quatre sont des policiers susceptibles d'être maintenus en garde à vue pendant 96 heures. Outre Michel Neyret, figurent le patron de la brigade de recherche et d'intervention de la PJ lyonnaise, le chef de son antenne grenobloise, tous deux commissaires, et un commandant de police, adjoint de l'antenne grenobloise. Dans le volet de trafic de stupéfiants international, trois personnes sont en garde à vue depuis jeudi matin.
"Comment être au courant des livraisons ?"
Cette affaire jette un jour cru sur les relations des policiers avec leurs "indics" et sur les risques de dérapage qu'elles entraînent. David Metaxas, avocat lyonnais qui a défendu des trafiquants de drogue, dénonce ainsi "l'hypocrisie" entourant la rémunération des indicateurs de la police. "On découvre aujourd'hui que la PJ a un système de renseignement consistant à recourir à des indicateurs, des balances, qui donnent des informations" et ainsi "on rémunère des gens pour en dénoncer d'autres", a souligné le pénaliste vendredi lors d'une conférence de presse. Il affirme avoir assisté durant deux heures jeudi matin Michel Neyret au début de sa garde à vue, avant de renoncer car il y avait des "conflits d'intérêts évidents" par rapport à ses clients.
Selon l'avocat, les liens avec le grand banditisme qui sont aujourd'hui reprochés à Michel Neyret "ont toujours existé", sinon, "comment être au courant des livraisons" de drogue et arrêter les malfaiteurs ? C'est grâce à ces liens "qu'il a fait sa carrière", d'après lui. "Tout le monde connaissait sa façon de travailler", "tout le monde le couvrait, y compris la justice", a-t-il affirmé, avant d'ajouter : "Je pense que c'est toute une institution qui doit rendre des comptes". Me Metaxas s'est dit cependant "sceptique" quant à l'éventuelle "corruption" de Michel Neyret, même s'il a "manipulé de l'argent, c'est une évidence".
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