Le numéro 2 de la PJ lyonnaise, Michel Neyret, interpellé à l'aube jeudi, est toujours en garde à vue pour un interrogatoire par la "police des polices". C'est aussi le cas de trois autres responsables policiers de Rhône-Alpes : le patron de la brigade de recherche et d'intervention de la PJ lyonnaise, le chef de son antenne grenobloise et son adjoint. En outre, comme l'a confirmé dimanche une source proche de l'enquête, deux autres policiers "du sud de la France" ont été placés en garde à vue samedi. Selon Europe 1 qui a révélé ces interpellations, il s'agirait de policiers de la brigade des stupéfiants de Lyon.
Michel Neyret devrait être présenté à un juge au plus tard lundi, au terme de 96 heures de garde à vue - une durée doublée par rapport à celle d'une garde à vue ordinaire, et réservée aux faits de terrorisme, de criminalité en bande organisée et de trafic de stupéfiants. Mais d'ores et déjà, son épouse, qui possède un hôtel de luxe dans l'Isère, a été mise en examen samedi soir pour recel de corruption, recel de trafic d'influence et association de malfaiteurs. Elle a été placée sous contrôle judiciaire. Egalement mis en examen, notamment pour corruption et trafic d'influence actif sur personne dépositaire de l'autorité publique : un membre présumé du milieu lyonnais, qui aurait été en contact "régulier" avec le numéro 2 de la PJ lyonnaise. Il a été placé en détention provisoire.
Ce que révèlent les écoutes
Sur France Info, l'avocat de Michel Neyret, Me Yves Sauvayre, a indiqué que son client s'attachait à fournir "des explications par rapport à des interrogations qu'on peut légitimement avoir". "On ne prend pas le thé, mais les choses se passent bien", a ajouté Me Sauvayre à propos de la garde à vue. Les ennuis de ce haut gradé de la police, très bien considéré par sa hiérarchie, ont débuté quand plusieurs trafiquants présumés (également interpellés cette semaine) ont échappé à une descente de la brigade des stupéfiants parisienne, en novembre 2010, dans un appartement de Neuilly-Sur-Seine. Quelque 110 kilos de cocaïne avaient été saisis mais les enquêteurs s'étaient inquiétés de fuites.
Ces soupçons ont conduit en mai à l'ouverture d'une information judiciaire pour corruption active et passive, trafic d'influence et association de malfaiteurs. Elle a permis de remonter à Michel Neyret, "flic à l'ancienne" de 55 ans. Son train de vie a été disséqué, tout comme ses échanges téléphoniques. Outre ses contacts avec des membres présumés du grand banditisme, ceux-ci font apparaître des échanges avec des collègues lui demandant de faire passer "des trucs" susceptibles de rémunérer des indicateurs. Michel Neyret est également soupçonné d'avoir rémunéré des informateurs en détournant du cannabis en importante quantité, selon une source judiciaire.
Des magistrats dans le collimateur
Le fait de puiser dans les scellés de drogue pour faire du commerce ou rémunérer des informateurs est présenté comme une "pratique régulière" de Michel Neyret. On ignore à ce stade de la procédure si est un cause un profit personnel, une technique professionnelle, ou les deux. Selon le journal Le Monde, l'IGS s'est rendue en Suisse pour examiner des comptes bancaires qui seraient liés à l'affaire. Il est question aussi de sommes offertes par des membres de la pègre, notamment un montant de 30.000 euros pour des séjours à Marrakech. L'avocat de Michel Neyret a fait savoir qu'il niait toutefois les faits. Les enquêteurs se demandent également si certains membres du grand banditisme auraient pu bénéficier de l'indulgence de la justice, et quatre magistrats pourraient être mis en cause, selon une source proche du dossier.
Ce dossier de corruption présumée dans la police est de loin le plus grave depuis au moins une quinzaine d'années en France et il touche de plus une figure respectée de la hiérarchie policière, souvent en vue dans les médias. Les syndicats de police, qui ont d'abord envisagé une possible manipulation dans de premières déclarations jeudi, ont ensuite plutôt communiqué sur la rareté de telles affaires les jours suivants. Certains expliquent par des habitudes anciennes les pratiques prêtées à Michel Neyret, présentées comme celles d'un policier "de terrain", censé être plus efficace que les policiers qui se tiendraient aux règles de procédure. L'avocat de Michel Neyret a d'ailleurs paru s'orienter vers cette défense en parlant "d'hypocrisie" sur France Info : "A partir du moment où on plonge dans le milieu naturel des services de police, on flirte avec un monde qui est le monde de l'illégalité. Il faudra que tout le monde fasse son examen de conscience".
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