mardi 2 février 2016

Alexandra Lange : « Mon mari menaçait de m’enterrer dans la cave »

Au téléphone, la voix est fébrile. Des blancs, des hésitations. Le malaise est palpable. « Je suis en pleine reconstruction… Je suis fatiguée. » L’ex-femme battue Alexandra Lange, dont l’histoire a été racontée dans un téléfilm, L’Emprise , et dans un livre*, tente peu à peu de redonner un sens à sa vie. « Ça prendra le temps que ça prendra. Les démons sont toujours là mais ils sont sages. Il ne se passe pas un jour sans que j’y pense. »
Soutien de la demande de grâce pour Jacqueline Sauvage, cette trentenaire, victime de violences conjugales entre 1997 et 2009, a été acquittée par la cour d’assises du Nord, en 2012, du meurtre de son mari. Un coup de couteau à la gorge, la nuit du 18 au 19 juin 2009. « C’était lui ou moi », avait-elle déclaré lors de son procès. « Il s’est jeté sur moi, il m’étranglait. Nous étions dans la cuisine, j’ai pu saisir un couteau… » Elle bafouille : « J’étais encore toute engourdie de ce qui venait de se produire. Je ne l’ai pas vécu comme un soulagement. »

« Je tremblais comme une feuille »

Pendant toutes ces années de souffrance, de coups et d’humiliations, Alexandra Lange s’est surtout sentie isolée. « Les gens s’en foutaient de mon cas. On me disait “si t’es malheureuse, t’as qu’à partir”. » Ce qui s’avérait beaucoup plus compliqué. Mais c’est arrivé, un jour. Elle s’est enfuie. « Il n’y avait aucune place dans aucun des centres d’accueil du Nord-Pas-de-Calais. J’ai dû revenir. »
Au commissariat de police, elle « tremblait comme une feuille devant le flic ». « J’avais la trouille que mon mari connaisse ma démarche et qu’en rentrant, je m’en mange une. » Elle n’a pas trouvé non plus le soutien espéré. A la place, on lui renvoyait des phrases comme : « ça ira mieux ce soir sous la couette ». « Je ne devais pas être assez ensanglantée pour eux, il aurait peut-être fallu que je sois à la morgue… », continue-t-elle tristement.
La mort, elle l’a vue de très près au cours de ces 12 années de calvaire. « Mon mari savait où frapper. Un jour, il m’a dit “je t’enterrerai à la cave sous une dalle en béton”. »

Elle a récupéré ses enfants

Aujourd’hui, Alexandra Lange retrouve peu à peu une « vraie » vie de famille, toujours dans le nord de la France. Elle a récupéré ses quatre enfants dont trois ados en septembre dernier. « On s’énerve, on crie, on rit. J’essaye de me faire entendre. Il paraît que je ne suis pas du tout autoritaire. » Ensemble, ils suivent une thérapie familiale éreintante.
Pour se distraire, Alexandra Lange, pour l’instant sans emploi sort avec des copines, fait du sport et prend des leçons de conduite. Sa voix s’illumine pour la première fois depuis le début de l’entretien : « J’essaie de passer mon permis de conduire, mais ça fait très longtemps que je suis dessus… »
Elle a aussi rencontré quelqu’un, depuis deux ans. Maintenant, Alexandra Lange se bat pour « éradiquer ce fléau ». Elle se dit « soulagée » pour Jacqueline Sauvage. « La justice n’avait pas reconnu la légitime défense dans son cas. Pourtant ça l’était. » Et de conclure : « Que j’ai été acquittée ou que Jacqueline Sauvage ait été graciée partiellement, ça n’enlève pas la réalité qu’on va vivre avec ça toute notre vie. »
(*) Acquittée, Je l’ai tué pour ne pas mourir , aux éditions Michel Lafon.
 

Aucun commentaire: