Il ne s'agissait
pas d'une interview, tout au plus de propos rapportés ; mais depuis quelques
jours, ils agitent toute la sphère politique - au point, assure le Journal du Dimanche, de
provoquer le malaise jusque dans l'entourage proche de Nicolas
Sarkozy. Et d'y ranimer des guerres intestines à propos de
délicates questions de timing et de gestion de l'image publique de l'ancien
président. Au coeur de ce "coup" médiatique, un homme, Patrick Buisson, dont la
stratégie de "droitisation" avait déjà été très contestée lors de la
défaite de Nicolas Sarkozy face à François Hollande lors de la présidentielle
d'avril-mai dernier. Ancien patron de Valeurs actuelles, c'est lui, de concert,
assure France Info, avec l'actuel
vice-président du magazine Jean-Claude Dassier, qui aurait orchestré le déjeuner
au cours duquel Nicolas Sarkozy a glissé les confidences qu'il semble lui-même
regretter aujourd'hui.
Sur le fond, l'article de Valeurs actuelles se
présente comme un reportage ; sous la plume du directeur général de la
rédaction, Yves de Kerdrel, Nicolas Sarkozy y apparaît tel qu'en lui-même,
dépouillé de l'habit de chef de l'Etat. On le voit dans les vestiaires du Parc
des Princes "en costume gris foncé, chemise blanche et barbe de trois jours
soigneusement entretenue", en train de bavarder, en anglais, avec David et
Victoria Beckham. "Vous viendrez bien dîner à la maison ?" glisse l'ancien
président. On le voit aussi dans ses bureaux du 77, rue de Miromesnil, discutant
à bâtons rompus avec un grand patron. Une adresse où se croisent des
personnalités aussi éclectiques que Nicolas Bazire, directeur général de Groupe
Arnault, le pilote de rallye Sébastien Loeb, l'écrivain Jean d'Ormesson, Pierre
Blayau, patron du fret à la SNCF, Thierry Breton, qui fut patron de Thomson et
de France Télécom avant de devenir ministre de l'Economie... L'auteur de
l'article trace le portrait d'un ancien président qui "aspire à la sérénité, à
la tranquillité, à la vie de famille, au bonheur de son couple". Mais tout en
émaillant son propos de petites phrases parfois cinglantes...
"Ce procédé est inacceptable et grossier"
Quelques-uns des
grands sujets du moment passent ainsi à la moulinette de ces commentaires
percutants. Les relations franco-allemandes ? "Hollande a cassé tout ce que
j'avais réussi à construire avec Angela Merkel. Pas tellement parce qu'il ne
s'entend pas avec elle, mais parce qu'il mène une politique exactement contraire
à celle de l'Allemagne." Le mariage pour tous ? "Avec leur "mariage pour tous",
la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, bientôt, ils
vont se mettre à quatre pour avoir un enfant." Les interrogations sur les
contrôles de l'industrie agro-alimentaire ? "Tout le monde veut savoir s'il y a
du cheval dans ce qu'on mange. Mais la
traçabilité des enfants, qu'est-ce qu'on en fait ?" Sans compter son
possible retour : "Il y aura malheureusement un moment où la question ne sera
plus : "Avez-vous envie ? " mais "Aurez-vous le choix ? " (...) Dans ce cas,
effectivement, je serai obligé d'y aller. Pas par envie. Par devoir. Uniquement
parce qu'il s'agit de la France."
Les citations
issues de cet article qui ont filtré avant la publication de Valeurs actuelles,
jeudi, ont provoqué les
condamnations du PS tout en plongeant les camps Fillon et Copé dans des
abîmes de réflexion. Du côté de l'ancien Premier ministre, on y voit une attaque
directe. Côté Copé, la sortie paraît incompréhensible. Les petites phrases de
ceux qui, à l'instar de François Fillon, évoquent à mots couverts leur
envie de tourner la page du sarkozysme, se sont multipliées, de la part de Nathalie
Kosciusko-Morizet, qui fut pourtant porte-parole du candidat
Sarkozy en 2012, ou encore du côté de l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. De manière
générale, chez les soutiens de Sarkozy, on craint une maladresse. Le Point
évoque "un raté complet". Un écart par rapport à
la ligne de conduite que l'ancien président s'était fixée : "Eviter tout contact
avec les journalistes, plus encore ceux traitant de la politique." Le JDD évoque un Nicolas Sarkozy
"abasourdi" par la présentation, la teneur et la mise en avant sur la "Une" de
Valeurs actuelles de ce reportage reproduisant de trop nombreux propos à bâtons
rompus.
Ce que souligne l'un de ses collaborateurs, également cité par
l'hebdomadaire : "Il y a eu beaucoup trop de citations qui n'étaient pas
destinées à être publiées." La colère est perceptible chez ce proche anonyme de
l'ancien chef de l'Etat : "Ce procédé est inacceptable et grossier. Nicolas
Sarkozy n'a jamais demandé une interview et vous imaginez bien qu'il ne la fera
pas en catimini dans Valeurs actuelles". Et un autre anonyme, présenté comme "un
sarkozyste du premier cercle", va jusqu'à lancer : "Buisson est fou, on ne va
pas pouvoir continuer comme ça avec lui."
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