jeudi 28 février 2013

Mort de Thierry Le Luron : pour la première fois, sa soeur évoque sa maladie

Pendant des décennies, le mot est resté tabou chez les proches de l'humoriste, malgré les rumeurs. Aujourd'hui, à l'occasion de la sortie d'une biographie sur son frère Thierry, "La vie est si courte, après tout", sa soeur Martine ose prononcer le nom de la terrible maladie.
Un être discret sur sa vie privée, malgré sa surexposition médiatique; d'autant plus pudique auprès de sa famille, qu'il était extraverti sur scène : tel est le portrait de Thierry Le Luron que trace sa soeur Martine, à l'occasion de la sortie d'une biographie, "La vie est si courte, après tout" (éditions J.-C. Lattès). Et pour la première fois depuis la disparition de l'humoriste, elle ose mettre des mots sur le mal qui l'a emporté, le 13 novembre 1986, à seulement 34 ans.
A l'époque, les proches Thierry Le Luron comme son médecin, le professeur Léon Schwartzenberg, expliquaient qu'il avait été emporté par un cancer des cordes vocales. Mais la rumeur devait bientôt naître et se propager, insistante : l'humoriste aurait succombé au virus du sida. Une rumeur qui trouvait, en 1988, un nouvel aliment avec la mort du compagnon de Thierry Le Luron, Daniel Varsano. Mais que la famille de l'humoriste se refusait toujours à confirmer. Aujourd'hui, dans un entretien que publie Paris-Match, Martine Simon-Le Luron, de six ans son aînée, évoque dans ces termes la mort de son frère : "Son médecin nous a avertis du cancer de Thierry qui s'est généralisé. Je pense aujourd'hui que le sida en est peut-être la cause."
"J'ai su par maman qu'il avait eu une liaison avec un danseur"
Derrière ce "peut-être" se devine tout un cheminement qui a pris des années. Et transparaît, aussi, le poids des non-dits dans le drame d'une famille. "On ne parlait pas de choses sentimentales. Thierry me racontait des choses très drôles sur les gens qu'il fréquentait. Entre nous c'était léger, agréable", raconte-t-elle dans les colonnes de Paris-Match. "J'ai su par maman qu'il avait eu une liaison avec un danseur argentin, Jorge Lago. Moi, je le voyais souvent avec des femmes et je sais qu'il en a aimé deux. Alors peut-être était-il homosexuel, peut-être bi. Thierry n'a jamais communiqué sur sa vie privée, je ne vais pas le faire vingt-six ans après sa mort."
Thierry Le Luron avait pourtant essayé de se confier à sa soeur, huit mois avant sa mort. Une scène dont elle se souvient encore aujourd'hui, avec regret. "On rentrait de Bretagne, en voiture (...) A un moment, il m'a parlé pour la première fois de Jorge, de sa disparition : 'Il est mort du sida, j'ai vu sa famille, j'ai pleuré.' Il a aussi fait une allusion à cette maladie en parlant pour lui-même d'infection, non pas de virus". Mais les confidences ne sont jamais allées plus loin. "Il m'a proposé de l'accompagner à un spectacle, et d'aller dîner ensuite. J'ai botté en touche, en invoquant la fatigue du voyage. Peut-être ai-je eu peur, peut-être voulait-il m'en dire plus, peut-être ne voulais-je pas savoir. Je l'ai beaucoup regretté. C'est presque une réaction infantile de ma part. Si on ne dit pas les choses, elles n'existent pas."
"Tu écriras ma biographie"
Un non-dit que la mort de l'humoriste devait durablement figer après novembre 1986, toute la famille unissant ses forces pour soutenir la mère de Thierry Le Luron : "Thierry lui appartenait, en quelque sorte, raconte Martine Simon-Le Luron à Paris-Match. A sa mort, ma mère a beaucoup souffert. Elle était comme dans le coma, elle a fait des séjours en maison de santé et suivi des cures de sommeil. Dans la famille, c'est sa douleur qui a primé". Il aura fallu à Martine Simon-Le Luron le travail du temps, l'arrivée de la retraite, et la mort de sa mère, pour se confronter enfin par l'écriture à ce passé douloureux.
Dans cette biographie, elle raconte le dernier combat de son frère : "La chimio de Thierry ne marchait pas, elle était trop 'légère'. Mais Thierry ne voulait pas en subir une plus forte afin de continuer à vivre normalement, à travailler. Surtout, il redoutait de perdre ses cheveux. A la fin, il ne pouvait plus rien avaler de solide". Elle évoque aussi les derniers moments passés avec un Thierry Le Luron à bout de forces, brûlant ce qui lui restait d'énergie pour masquer aux yeux de ses proches la progression du mal qui le rongeait : "Il était impossible de deviner qu'il était très atteint. J'ai su après qu'il avait fait des efforts surhumains devant nous". Et ce mot prémonitoire de son frère, six mois avant sa disparition, qui lui avait lancé en plaisantant : "Tu écriras ma biographie". C'est ce qu'elle a fait, finalement, au bout de 27 ans, et après la disparition de cette mère dévastée pour le reste de sa vie par la mort de son fils. En forme d'ultime hommage, et d'ultime catharsis
 

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