lundi 19 mars 2012

Cancer : les malades touchés au portefeuille

"Moi ça va encore, mais d'autres filles me disent qu'elles ne peuvent même plus payer certains médicaments". Hélène Benardeau tire la sonnette d'alarme. Atteinte d'un cancer du sein en 2002 suivi d'une récidive huit ans après, cette professeur d'espagnol de 42 ans (1) a vu son budget largement entamé du fait de sa maladie. "En 2002, je n'avais aucun souci financier par rapport à mon cancer, assure-t-elle. J'ai vu une très nette différence en 2010."
En cause selon Hélène : le déremboursement de certains traitements par l'Assurance-Maladie. "Le reste à charge pour les patients ne fait qu'augmenter, estime-t-elle. Par exemple, des médicaments qui visent à atténuer les effets secondaires de la chimiothérapie sont très mal remboursés car ils ne sont plus considérés comme ALD (destinés à traiter des affections de longue durée, NDLR). Suite à la chimio, j'ai eu de gros soucis dermatologiques, or les pommades qui n'étaient prescrites pour traiter ce problème n'étaient absolument pas remboursées".

L'addition est encore alourdie par les frais d'hospitalisation et de transport. Les patients doivent désormais s'acquitter d'un forfait hospitalier de 18 euros par jour et depuis 2011, le transport des malades atteints d'une affection de longue durée n'est plus systématiquement pris en charge par la Sécurité sociale.
Plus de 800 euros par an de traitements
De fait, les malades doivent payer de leur poche pour se soigner, confirme une enquête de la Ligue contre le cancer. 70% des personnes interrogées déclarent avoir eu des frais non remboursés. En moyenne, un patient atteint du cancer débourse 817 euros par an dans des traitements. Même si la plupart des patients disposent d'une complémentaire santé, celle-ci couvre rarement tous les frais : "la prise en charge par les mutuelles est très variable, explique Anne Raucaz, responsable de projets d'action sociale à la Ligue nationale contre le cancer. Malheureusement, on s'intéresse rarement aux taux de couverture lorsqu'on y souscrit."

Ce sont pour les soins dits de confort et les accessoires (prothèses, perruques...)que les patients doivent débourser le plus. Agée de 48 ans, Marie [2] a eu un cancer du sein il y a 11 ans. Si elle estime que "les prothèses mammaires externes sont bien remboursées par la Sécu, en revanche leur remplacement, qui est inévitable au bout d'une certaine période, est beaucoup moins bien pris en charge. Les prothèses capillaires et les soutiens-gorge spéciaux, qui coûtent très chers et qui ne sont pris en charge que par certaines mutuelles, sont aussi très mal remboursés. Et si vous allez chez un acupuncteur ou vous faire masser, cela vous coûtera 70 euros."

Renoncer à des traitements
Alors qu'ils doivent faire face à des frais supplémentaires, les patients voient en parallèle leurs rentrées d'argent diminuer. Près d'un malade sur deux constaterait une baisse significative de ses revenus. En effet, la maladie les empêche de mener une vie professionnelle normale. Arrêts de travail à répétition ou invalidité sont le lot de nombreux malades. Seule un peu plus de la moitié des patients reste en activité une fois guérie. Et les allocations sont loin de compenser le manque à gagner lié à l'absence d'activité professionnelle.

Selon leur statut et le fait qu'ils bénéficient ou non d'une assurance prévoyance, les malades sont plus ou moins bien indemnisés. "Assimilée fonctionnaire, j'ai droit à cinq ans d'arrêt-maladie pendant lesquels je touche quasiment l'équivalent de mon salaire, se réjouit Hélène. C'est vraiment un privilège par rapport à d'autres situations, notamment dans le privé".

Reste que les difficultés financières peuvent amener les malades à renoncer à certains traitements. Selon l'enquête menée par la Ligue contre le cancer 26,5% des malades ont "renoncé ou repoussé un acte médical, un achat d'appareillage ou toute autre dépense liée à la maladie".
[1]
[2] Le prénom a été modifié à la demande du témoin.

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