vendredi 24 février 2012

Mères porteuses : la justice ouvre une nouvelle brèche

Dans le dossier sensible des mères porteuses, la justice française avance à pas comptés. Officiellement, la gestation pour autrui est interdite en France. Mais elle est pratiquée dans de nombreux pays. Et dans une société où les problèmes d'infertilité concernent un nombre croissant de couples, sans que le monde médical puisse déterminer précisément quelles en sont les causes (pollution ? nourriture ? mode de vie ?...), la tentation est grande pour certains de se tourner vers l'étranger. Avec, au retour en France, un problème encore plus difficile à résoudre : faire reconnaître cet enfant né à l'issue d'une procédure que la loi française se refuse à reconnaître. C'était le combat emblématique de Sylvie et Dominique Mennesson, un couple du Val-de-Marne : au bout d'un combat judiciaire de plusieurs années, la Cour de cassation avait jugé, en avril dernier, que leurs deux petites filles, des jumelles nées d'une mère porteuse aux Etats-Unis, ne devaient pas être inscrits à l'état civil français, leur déniant la nationalité française.
Mais dans une autre affaire, la cour d'appel de Rennes vient de prendre une décision radicalement opposée. Contrairement à ce qui s'était produit dans le cas des époux Mennesson, elle a validé la transcription à l'état civil français des actes de naissance de jumeaux nés en Inde en 2010 d'une mère porteuse. Elle a estimé, dans un arrêt rendu mardi, que les actes de naissance des jumeaux satisfont "aux exigences de l'article 47 du code civil". Ce dernier stipule notamment que "tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi". C'était précisément ce qu'avaient plaidé devant la Cour de cassation les époux Mennesson, en vain.
"C'est un énorme progrès"
Dans cette affaire, la cour d'appel de Rennes relève qu'elle n'a pas été "saisie de la validité d'un contrat de gestation pour autrui" - interdit en France, légal en Inde - "mais de la transcription d'un acte d'état civil", précisent les juges dans leurs attendus. "Dès lors que cet acte satisfait aux exigences de l'article 47 du code civil, sans qu'il y ait lieu d'opposer ou de hiérarchiser des notions d'ordre public tel l'intérêt supérieur de l'enfant ou l'indisponibilité du corps humain, le jugement déféré sera confirmé", poursuit la cour.
La cour d'appel de Rennes a rendu "un très bel arrêt", qui "dit le droit d'une manière juste", "applique l'article 47 et rien que l'article 47", s'est félicitée l'avocate des parents, Me Mecary. "C'est un énorme progrès, au regard des éléments que certains tribunaux se sentent obligés de rajouter alors que la demande est uniquement une demande d'acte d'état civil", a-t-elle ajouté, soulignant que l'arrêt rendu ne porte "pas de jugement de valeur. L'intérêt de l'enfant est que son acte de naissance, valable et régulier dans la forme, doit être transcrit".
Que dirait aujourd'hui la Cour de cassation ?
En première instance, le 17 mars 2011, le tribunal de grande instance de Nantes avait déjà ordonné la transcription des actes de naissance des enfants, en se fondant sur l'article 47 du code civil mais également sur "l'intérêt supérieur de ces enfants, dont la considération doit être primordiale dans toute décision les concernant selon l'article 3-1 de la convention européenne des Droits de l'homme". Le tribunal avait rappelé qu'en droit français la convention de gestation (contrat passé avec la mère porteuse) était nulle et avait considéré que "la conséquence des agissements contraires à la loi française" du père "ne peut être de priver les enfants, dont la filiation est certaine et établie vis-à-vis de leur père français, de l'état civil auquel ils ont droit en France". Les jumeaux "ne peuvent être considérés comme le produit d'un contrat prohibé dont les existences pourraient être niées, mais comme des sujets de droit étrangers aux arrangements de leurs auteurs", avait ajouté le tribunal de Nantes.
Reste à savoir quelle serait aujourd'hui la position de la Cour de cassation, ultime étage de la pyramide judiciaire française, et dont les décisions s'imposent en cas de controverse sur un jugement de première instance ou d'appel. Or le parquet général peut se pourvoir en cassation dans un délai de 10 jours.

Aucun commentaire: