vendredi 21 octobre 2011

"Je savais que Marie n'allait pas s'en sortir"

"La première fois que j'ai vu Marie, c'était sur une plage de Lamu. Elle était là, seule, sur sa chaise roulante. Elle venait ici pour la première fois, moi je venais déjà au Kenya depuis plusieurs années. On a parlé et on est rapidement devenues amies. C'était il y a quinze ans.
Au début, Marie louait des maisons sur la principale île de Lamu et puis elle a acheté ce bout de terrain sur celle de Manda, qui lui fait face. Cet endroit, elle l'appelait son 'petit paradis'. Et c'est vrai que sa petite maison sur la plage sans porte ni fenêtre avait tout du paradis. Avec sa dune, ses bateaux, ses mosquées, quelle image de carte postale ! Là-bas, le bonheur commençait dès le lever de jour. Le soir, Marie s'installait sur sa chaise devant la maison et elle regardait le coucher du soleil. C'est un endroit unique.

Nous étions de la même génération Marie et moi. Ensemble on parlait de la vie à Lamu, de nos lectures, on s'échangeait nos bouquins, c'était des conversations simples de deux femmes en vacances, des moments zens et précieux. Elle ne parlait jamais du grave accident de la route qu'elle avait eu vers 24-25 ans.

De mai à septembre, Marie retournait à Paris pour ses examens de santé, se nourrir la tête, voir des spectacles, c'était une intellectuelle... Mais elle était mieux à Manda qu'en France. Ici, elle pouvait nager, se reposer. Elle s'intéressait beaucoup aux habitants, à leur vie. Elle était énormément appréciée. Elle était généreuse, humaine, respectueuse des autres, entière avec une grande ouverture d'esprit. Ce qui ne l'empêchait pas d'avoir ses convictions et de les exprimer !

Sa plage était déserte quand elle y a fait construire sa maison. A la fin des années 90, il y a eu une affluence de gens très riches qui sont venus s'installer. Le prix des terrains s'est mis à flamber. Sur la plage devant chez elle, il y avait ce très vieux baobab. Marie s'est battue pour que cet arbre magnifique ne soit pas détruit et remplacé par une construction démesurée !

La dernière fois que je l'ai vue c'était en mai à Paris. Quand je suis allée au Kenya en août, elle n'était pas encore arrivée. Quand j'ai su que Marie avait été enlevée (le 1er octobre, NDLR) et emmenée par ses ravisseurs en Somalie, j'ai su qu'elle n'allait pas s'en sortir. Elle était tellement faible... Elle aux mains de ces barbares... Elle était incapable de s'occuper d'elle toute seule. Je pense que la fin de sa vie a été un calvaire...

Est-ce que j'ai peur aujourd'hui ? Non, je n'ai jamais eu peur. Avant l'enlèvement d'un couple d'Anglais 15 jours avant celui de Marie, c'était une menace que personne n'avait ressentie. Je n'ai pas peur mais je suis en colère face à l'inaction du gouvernement kenyan. Dès ce premier enlèvement, il aurait dû prendre des mesures pour sécuriser ses eaux ! Je n'ai pas peur. Je suis catastrophée à l'idée que le tourisme puisse être affecté. Il est capital pour les habitants de Lamu qui en vivent essentiellement.
"  http://lci.tf1.fr/monde/afrique/je-savais-que-marie-n-allait-pas-s-en-sortir-6773157.html

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