mercredi 17 avril 2013

Procès des prothèses PIP : cinq prévenus face à 5100 plaignantes

Le procès des prothèses mammaires frauduleuses PIP, qui s'ouvre mercredi à Marseille, s'annonce hors norme. Des victimes et les prévenus souhaitent pourtant l'annulation ou le report de l'audience.
Le procès des prothèses mammaires frauduleuses PIP est hors norme. Premier volet judiciaire d'un scandale sanitaire à retentissement planétaire, l'audience doit s'ouvrir ce mercredi à Marseille. Cinq personnes, dont le président fondateur de Poly Implant Prothèse (PIP) Jean-Claude Mas, comparaîtront pour tromperie aggravée et escroquerie. Ils sont soupçonnés d'avoir confectionné de 2001 à 2011 des implants mammaires avec du gel non conforme à la réglementation et encourent une peine de cinq ans de prison.
Ce procès s'annonce exceptionnel par son ampleur : 110.000 cotes, 5.100 plaignantes, dont environ 4.900 Françaises, 300 avocats et le même nombre de journalistes. Le centre des congrès de Marseille, le Parc Chanot, a été réquisitionné pour devenir une annexe du tribunal correctionnel. Dedans, un espace de 4.800 mètres carré qui peut accueillir 700 personnes a été aménagé. Trois salles annexes équipées de vidéo-transmission seront installées, d'une capacité de 830 places. La note est salée pour l'Etat : la facture location, aménagement, sécurité, s'élève déjà à 800.000 euros. "La nature particulière de ce procès est le nombre important de victimes, a souligné le vice-procureur Jérôme Bourrier, secrétaire général du parquet. Ce procès justifiait la mise en place d'un dispositif adapté".
"Ce procès, les victimes l'attendent depuis trois ans. Elles ont envie de se retrouver face aux responsables de leurs malheurs pour dire, avec leurs propres mots, leur douleur morale et physique", affirme Philippe Courtois, l'avocat de 2.800 porteuses de prothèses PIP.
Vers un fiasco judiciaire ?
Mais sa tenue est pourtant menacée avant même son ouverture. Plusieurs avocats demandent son renvoi. Une requête en suspicion légitime réclamant le dépaysement du procès a été introduite par une prévenue devant la chambre criminelle de la cour de cassation, qui doit faire connaître sa décision quelques heures avant l'ouverture des débats. L'avocat de Jean-Claude Mas, compte lui jouer un vice de procédure : le fait que la citation à comparaître du fondateur de PIP ne soit pas datée. "J'entends soulever un certain nombre de nullités. Je vais demander le renvoi de l'affaire à une date ultérieure", explique Me Yves Haddad.
La demande de renvoi émane aussi d'une association de victimes, au risque d'enliser la procédure durant d'interminables années. Le Mouvement de défense des femmes porteuses d'implants et de prothèses estime notamment que tous les responsables ne sont pas sur le banc des accusés. "Ce n'est pas tant le report du procès qui est en jeu que la probité de celui-ci", explique sa présidente Muriel Ajello. Elle regrette l'absence chez les prévenus de la société PIP - seuls les anciens dirigeants étant visés - et la présence au côté des victimes de TUV, organisme allemand chargé de certifier la société PIP. "C'est grâce à leur aval que nous avons été implantées par des produits frauduleux", explique l'association. L'avocat de la firme allemande, Olivier Gutkès, réplique qu'on ne peut pas reprocher d'infraction pénale à TÜV, qui a selon lui été trompé par des "escrocs".
Autres absences contestées : celle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et du syndicat des chirurgiens esthétiques. "Ils nous ont vendu ces prothèses. Ils ont engagé leur responsabilité dans le choix qu'ils ont fait de poser des prothèses PIP. Ils ont engagé leur responsabilité en préférant déclarer les incidents directement à la société PIP plutôt qu'en le faisant à l'ANSM alors que c'est une obligation légale", indique l'association.
Mais la possibilité d'un report enflamme déjà les esprits d'autres plaignantes. "Ce procès doit avoir lieu, les victimes attendent depuis plus de trois ans d'être enfin reconnues en tant que telles", dit Alexandra Blachère, présidente de l'association de défense des porteuses de prothèses PIP, qui revendique 2.300 adhérentes.
Absence d'analyses, d'essais et de tests de résistance
Dans les procès-verbaux de convocation adressés aux prévenus, que Reuters a pu consulter, il leur est reproché une "tromperie sur les qualités, la composition, les risques inhérents et les contrôles" des implants mammaires pré-remplis de gel de silicone commercialisés par PIP. Jean-Claude Mas a admis avoir utilisé un "gel maison" non conforme pour ses prothèses mais affirme que celles-ci ne sont pas plus dangereuses que celles de la concurrence. Les documents font encore allusion à l'absence d'analyses et d'essais, notamment de tests mécaniques, d'analyses physico-chimiques ou encore de tests de résistance des produits PIP.
Lors de l'enquête préliminaire close en octobre 2011, les enquêteurs ont auditionné les principaux cadres de l'entreprise, plus d'une vingtaine de salariés et une demi-douzaine de chirurgiens qui implantaient les prothèses PIP. Dans leurs conclusions, ils précisent que "quasiment tous les employés savaient que la société remplissait les prothèses d'un gel non conforme". Ils décrivent ainsi les rouages d'une "véritable organisation au sein de l'entreprise" qui a permis de "garder le secret pendant dix ans" pour une économie estimée à plus d'un million d'euros par an, évitant la faillite de PIP.
Les prévenus sont aussi poursuivis pour des faits présumés d'escroquerie au préjudice de l'organisme certificateur allemand TÜV Rheinland auquel les cadres de PIP auraient dissimulé des données de traçabilité sur les achats de matières premières. "Tout ce qu'on peut demander pour tromperie aggravée, c'est un préjudice moral et le coût de la réimplantation. Cela représente une fourchette entre 1.000 et 3.000 euros par victime", explique Philippe Courtois. L'indemnisation des victimes potentielles ne devrait toutefois pas être au centre du procès mercredi.
 

Aucun commentaire: