vendredi 6 juillet 2012

Vols de bébés : l'Argentine condamne huit figures de la dictature

Le procès aura duré un an et demi, de février 2011 jusqu'à ce mois de juillet, et à travers lui, c'est un drame datant d'une trentaine d'années et touchant toute l'Argentine, car directement lié à la période de la dictature, qui est remonté à la surface. Jeudi, la justice du pays a prononcé la condamnation de huit figures de la dictature, parmi lesquelles les deux anciens dictateurs Jorge Videla et Reynaldo Bignone, pour avoir mis en place "un plan systématique" de vols de bébés d'opposants. Quelque 30.000 personnes jugées indésirables par le régime dictatorial ont été tuées ou portées disparues durant cette période noire s'étendant de 1976 à 1983 ; parmi elles, des femmes enceintes. Pour le régime, tuer les parents et réintégrer les enfants au sein de familles favorables à la dictature était une pratique courante. Le plus souvent, le bébé né en détention était remis à un militaire ou à un proche d'un militaire, tandis que sa mère était peu de temps après jetée à la mer, nue et vivante, d'un avion militaire en plein vol.
Personnalité la plus emblématique, l'ex général Jorge Videla, aujourd'hui âgé de 86 ans, écope de 50 ans de réclusion. L'ex général Reynaldo Bignone (84 ans) est lui condamné à 15 ans. Jorge "Tigre" Acosta, responsable de l'Esma (Ecole de mécanique de la marine), centre de torture emblématique situé en plein Buenos Aires, où sont nés et ont été pris à leur mère la plupart des bébés, écope de trente ans. Ont également été condamnés Antonio Vañek (40 ans), Juan Azic (14 ans), Jorge Magnacco, un ancien médecin militaire (10 ans), et Santiago Riveros (20 ans). En revanche, l'ancien responsable de la Marine Rubén Franco a été acquitté. Egalement poursuivis, mais pour appropriation d'enfants, Victor Gallo, ex militaire, et son épouse professeur, Susana Colombo. Ils ont eux écopé de 15 et 5 ans de prison. L'ancien policier Eduardo Ruffo, poursuivi dans ce même volet, a été acquitté.
Un ex-dictateur sans remords
Le verdict a été accueilli avec des cris de joie, des chants et des larmes sur le parvis du tribunal où des centaines de personnes ont suivi sur un écran géant la lecture de la décision. Présente dans la salle d'audience, Estela de Carlotto, dirigeante de l'organisation des Grands-Mères de la Place de Mai, à l'origine de la découverte de l'identité de 105 enfants volés, s'est réjouie d'une décision qui "confirme qu'il y a eu en Argentine un plan systématique de vol de bébés". Son organisation évalue à environ 500 le nombre de "bébés volés" puis "adoptés" sous une fausse identité sous la dictature.
Au pouvoir de 1976 à 1981, l'ex-dictateur Jorge Videla est pourtant sans remords. "Toutes celles qui ont accouché, que je respecte en tant que mères, étaient des militantes actives de la machinerie du terrorisme. Elles ont utilisé leurs enfants comme boucliers humains", avait-il affirmé la semaine dernière à l'audience. Outre sa condamnation dans ce procès, il purge déjà deux peines de prison à perpétuité pour crime contre l'humanité. Reynaldo Bignone purge également deux peines (perpétuité et 25 ans de prison), pour violation des droits de l'homme.

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