mardi 14 février 2012

A son tour, Moody's menace d'abaisser la note de la France

Plus question, aujourd'hui au gouvernement, de parler de la note "triple A" de la France comme d'un "trésor national". Et les commentaires sur les décisions des agences de notation se font désormais très discrets. En témoigne le sobre communiqué de François Baroin diffusé après l'annonce, tard lundi soir, du placement sous perspective négative de la note française par Moody's. Le ministre des Finances a "pris acte", en soulignant que, pour l'heure, la fameuse note était certes menacée... mais pas abaissée.
Le ton a radicalement changé depuis que Standard & Poor's, il y a tout juste un mois, avait, la première, dégradé la note française. Le ministère de l'Economie avait relativisé l'annonce, attendue ; et lorsque Moody's, autre grand nom du tiercé mondial des agences de notation, avait décidé pour sa part de maintenir le sacro-saint "AAA" pour la dette souveraine française, Nicolas Sarkozy s'était félicité de ce qu'une agence "cinq fois plus importante que Standard & Poor's" avait respecté le triple A français. En bouleversant, au passage, la hiérarchie des agences, puisque la première au monde, c'est bien, et de loin, Standard & Poor's... Mais désormais, c'est précisément cette même agence Moody's qui menace à son tour la note française. Autre annonce symptomatique, Moody's a fait état de l'abaissement des perspectives des dispositifs publics de soutien aux banques françaises. Après la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers en 2008, en effet, le gouvernement français avait mobilisé une enveloppe globale de 360 milliards d'euros, dont 320 milliards d'aide à la liquidité via la Société de financement de l'économie française (SFEF) et 40 milliards pour le renforcement des fonds propres via la Société de prises de participation de l'Etat (SPPE).

Pourquoi Moody's fait la moue

La France est-elle seulement victime de la crise de la dette qui concerne toute l'Europe ? Il y a de ça, bien sûr. C'est d'ailleurs l'explication avancée par François Baroin dans son communiqué. Mais elle n'est pas la seule. Avant l'annonce de ce lundi, Standard & Poor's et Moody's s'étaient inquiétées de la dérive des finances publiques françaises tout en mettant en garde contre le risque que les réformes économiques du gouvernement fragilisent la croissance, pilier sur lequel s'appuie justement Paris pour tenter d'atteindre ses objectifs de consolidation. De fait, le gouvernement a repoussé la semaine dernière de 2013 à 2014 la baisse de son ratio dette sur produit intérieur brut en raison de la participation de la France au Mécanisme européen de stabilité, qui doit soutenir les Etats de la zone euro en difficulté, et de prévisions de croissance ramenées de 1% à 0,5% cette année. Les engagements de réduction du déficit public sont toutefois confirmés, à 4,5% du PIB fin 2012 et 3% en 2013. Mais la Cour des comptes, qui certifie les comptes de l'Etat, a estimé qu'à peine 10% de l'effort total qui doit permettre de ramener à zéro le déficit structurel de la France - en 2016 d'après Bercy - avait été accompli l'an passé.

Mais il est vrai que le contexte européen de crise de la dette reste LE gros problème - et d'ailleurs, la France n'est pas la seule à voir sa note menacée de dégradation, voire carrément révisée à la baisse. Moody's a également placé sous perspective négative les notes du Royaume-Uni et de l'Autriche, et a abaissé celles de six autres pays européens, dont l'Italie, l'Espagne et le Portugal. Autant de pays susceptibles, selon elle, d'être affectés "par les risques financiers et macroéconomiques grandissants émanant de la crise de la zone euro". Autre facteur d'explication selon Moody's, "le fait que les perspectives pour l'économie européenne sont de plus en plus médiocres, ce qui menace la mise en oeuvre des programmes d'austérité et les réformes structurelles nécessaires pour promouvoir la compétitivité". Pour l'agence, ces facteurs vont continuer d'affecter la confiance "fragile" des marchés" vis-à-vis de l'Europe.

L'annonce de Moody's intervient au lendemain du vote en Grèce du programme d'austérité exigé par les créanciers du pays, qui devrait aboutir à l'adoption par la zone euro d'un plan de sauvetage d'une ampleur sans précédent dans le monde. Elle intervient aussi alors qu'en France, le gouvernement présente cette semaine à l'Assemblée nationale un projet de loi de Finances rectificative dont la mesure phare, un relèvement de la TVA pour financer la protection sociale, est très contestée par l'opposition et les syndicats - et a subi un camouflet symbolique en commission des Finances. Une lueur d'espoir transparaît tout de même dans le communiqué de Moody's : l'agence reconnaît que "l'engagement des autorités européennes à préserver l'union monétaire et à mettre en oeuvre toutes les réformes nécessaires pour restaurer la confiance des marché est un facteur important ayant limité l'ampleur des ajustements de notes" annoncés lundi. Et l'agence indique qu'elle considère appropriées les notes "Aaa" qu'elle attribue à l'Allemagne, au Danemark, à la Finlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas, à la Suède et, surtout, au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Enfin, un autre élément vient relativiser cette perspective négative de Moody's : depuis l'annonce par Standard & Poor's de l'abaissement de la note "triple A" de la France, le pays n'a pas eu, jusqu'à présent, davantage de difficultés à se financer, ni n'a vu ses taux d'emprunt exploser...

Aucun commentaire: