mardi 31 janvier 2012

Youssou N'dour : "le Sénégal a honte"

L'opposition sénégalaise n'avait guère d'illusion sur l'attitude du Conseil constitutionnel, malgré les violences générées par la validation de la candidature à la présidentielle d'Abdoulaye Wade, et, dans une moindre mesure, par le rejet de celle du très populaire Youssou N'dour. "La décision du Conseil ira toujours dans le sens voulu par le pouvoir", jugeait ainsi dimanche Abdoul Aziz Diop, un des dirigeants du "M23", le Mouvement du 23 juin, qui regroupe les principaux candidats d'opposition à la présidentielle. De fait, les cinq "Sages" du Conseil ont confirmé dans la nuit de dimanche à lundi leur décision d'autoriser le président sortant à briguer un troisième mandat à la tête du pays lors du scrutin du 26 février. L'institution a également rejeté les recours déposés par trois prétendants, dont le musicien Youssou N'dour, qui avaient vu leur candidature été écartée vendredi. Plusieurs autres appels, dont certains formulés par des proches de Wade contre des candidats d'opposition, ont également été rejetés.
L'opposition a promis de rendre le pays "ingouvernable" si Wade persistait à vouloir se présenter. Les adversaires du chef de l'Etat ne lui reconnaissent pas le droit de se représenter et renvoient à la Constitution, qui interdit d'effectuer plus de deux mandats présidentiels consécutifs. Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir en 2000 puis réélu en 2007, leur répond que son premier mandat ne compte pas, car il a été entamé avant l'introduction de cet amendement constitutionnel, en 2001.
La presse en ligne inacessible
Les risques de troubles semblables à ceux qui s'étaient produits dans la nuit de vendredi à samedi à Dakar et en province, au cours desquels un policier avait été tué, sont désormais très importants. L'opposition appelle à la lutte, sans en préciser les moyens. Et demande à la communauté internationale de faire pression sur Abdoulaye Wade. "Le Sénégal a honte. Le Sénégal est meurtri. Le processus de coup d'Etat constitutionnel est consommé. 52 ans de construction démocratique viennent d'être balayés", a lancé Youssou N'dour sur la radio française RFI. "Le Sénégal et son peuple ont mal. Nous avons été trahis par cette décision honteuse. J'ai dit bien honteuse... J'appelle, donc, toutes les forces vives de ce pays, nos frères africains, la communauté internationale à exprimer son désaccord face à ce coup d'Etat institutionnel et constitutionnel. Le combat continue, parce que Dieu est avec les justes".
Du côté du Mouvement du 23 juin, on assure que les dirigeants et militants "sont prêts à tous les sacrifices". Thiat, rappeur du mouvement de jeunes "Y'en a marre", lié à ce groupe d'opposants, a affirmé que les "paroles suffisent, nous passons aux actes". Des manifestations de rue sont prévues dans la semaine.
Mais depuis les violences consécutives à la validation de la candidature Wade, les arrestations se sont multipliées. Un cas emblématique est celui d'Alioune Tine,militant reconnu et respecté pour la défense des droits de l'homme en Afrique, coordinateur du M23, qui a été arrêté samedi comme des dizaines d'autres militants du mouvement. Une cinquantaine de personnes, dont des leaders M23, tels qu'Idrissa Seck et Cheikh Tidiane Gadio, se sont regroupés dimanche soir devant le commissariat central de Dakar pour exiger sa libération et présenter leurs condoléances pour la mort du policier tué vendredi soir. Par ailleurs, plusieurs sites d'information en ligne du Sénégal ont été rendus inaccessibles dimanche, selon l'association qui les représente, et qui a noté la coïncidence avec un "contexte très tendu", en se gardant toutefois "d'accuser qui que ce soit" pour l'instant.

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