mardi 30 août 2011

Près d'un Français sur sept vit sous le seuil de pauvreté

Si la crise a touché l'ensemble des Français, elle a surtout affecté les plus modestes : le nombre de pauvres en France a significativement augmenté en 2009, révèle une étude de l'Insee publiée ce mardi. Le seuil de pauvreté, qui équivaut à 60% du niveau de vie médian, s'est établi cette année-là à 954 euros mensuels. Et 8,2 millions de personnes vivaient en dessous de ce seuil, soit 13,5% de la population, un demi-point de plus qu'en 2008 et le niveau le plus élevé depuis 2000, précise l'Institut national de la statistique et des études économiques. Sur ces 8,2 millions de pauvres, la moitié vivaient avec moins de 773 euros par mois, précise l'étude.
Plus fréquente, cette pauvreté s'est aussi faite plus sévère: l'"intensité" de la pauvreté, qui mesure l'écart entre le niveau de vie médian des personnes pauvres et le seuil de pauvreté, a atteint son plus haut niveau en cinq ans à 19,0%. La remontée du taux de pauvreté à un niveau supérieur à celui de 2007 s'explique évidemment par celle du chômage, repassé à 9,1% fin 2009 contre 7,4% un an plus tôt, même si, note l'Insee, "des mesures ponctuelles et la montée en charge progressive du revenu de solidarité active (RSA) ont permis de limiter les effets de la crise". L'augmentation de la pauvreté n'a cependant pas épargné les actifs : 10,1% des plus de 18 ans exerçant une activité vivaient sous le seuil de pauvreté en 2009, un taux en hausse de 0,6 point sur un an.

Des chômeurs plus qualifiés, donc... moins pauvres

Conséquence logique de cette évolution: le nombre de bénéficiaires des minima sociaux a augmenté avec la montée du chômage, un phénomène amplifié par la montée en puissance du RSA, mis en oeuvre en juin 2009. Mais paradoxalement, le taux de pauvreté au sein des chômeurs a diminué de 1,1 point par rapport à 2008. Ce qui s'explique par l'entrée dans le chômage de salariés plus qualifiés et mieux rémunérés, et qui touchent donc des allocations plus élevées.

Au-delà de cet impact notable sur la pauvreté, la crise aura aussi eu pour effet de freiner la progression du niveau de vie médian, celui au-dessous duquel vit la moitié de la population. A 19.080 euros annuels (1590 euros par mois), ce seuil n'a progressé que de 0,4% sur un an, alors qu'il avait augmenté de 1,7% en 2008 et de 2,1% en 2007.

Cette étude confirme enfin que les inégalités se creusent entre les Français les plus modestes et les plus aisés. Ainsi, "le niveau de vie des 10% des personnes les plus modestes (premier décile) est inférieur à 10.410 euros annuels, en baisse de 1,1% par rapport à 2008". Pire, "alors que l'évolution moyenne annuelle relevée entre 2005 et 2008 pour chacun des quatre premiers déciles était d'environ +2%, la tendance s'inverse entre 2008 et 2009 : en euros constants, les quatre premiers déciles diminuent", poursuit l'étude. A l'autre bout de l'échelle, "les déciles de niveau de vie supérieurs augmentent" et le niveau de vie des 10% les plus aisés est supérieur à 35.840 euros annuels, soit 0,7% de plus qu'en 2008. "Au total, commente l'Insee, le contexte de crise économique se répercute sur l'ensemble des ménages, mais ce sont les plus modestes qui sont les plus touchés".

Des chiffres "en dessous de la réalité"

Mais pour le président du Secours populaire français, Julien Lauprêtre, ces chiffres dévoilés par l'Insee sont encore bien "en dessous" de la réalité de 2011, la situation s'étant depuis "considérablement aggravée". "J'insiste sur le fait que ce sont des chiffres qui remontent à 2009", a-t-il déclaré sur France Inter. Selon lui, "des pauvres deviennent de plus en plus pauvres mais il y a aussi des personnes qui ne s'attendaient pas à ce qui leur arrive: cadres, petits commerçants, petits artisans. Ce phénomène, j'insiste beaucoup là-dessus, grandit". Il y a aussi "de plus en plus de travailleurs pauvres", et la "misère" progresse dans les rangs des "jeunes", qui n'ont jamais été aussi nombreux à se tourner vers le Secours populaire, a-t-il ajouté.

Dans un communiqué, ATD Quart Monde "constate que la fragilisation des plus  pauvres ressentie par ses équipes ces dernières années se confirme à plus  grande échelle: difficulté à nourrir la famille tout au long du mois, accès aux  soins, dettes de loyer et donc augmentation des expulsions, précarité  énergétique...". Mais selon l'association, ces chiffre sont "alarmants mais pas inéluctables". C'est "à ceux qui nous gouvernent et souhaitent nous gouverner de nous dire ce qu'ils comptent faire pour détruire la misère. Parce que c'est possible: elle résulte de choix ou de non choix faits par des hommes et des femmes, souvent en notre nom...", ajoute ATD Quart Monde.

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