Le jugement a été prononcé le 26 octobre, et il ne deviendra définitif que si le parquet, qui à l'audience ne s'était pas opposé à la demande du couple, ne fait pas appel dans un délai d'un mois. Mais il est déjà symptomatique de l'évolution des mentalités. Une juge aux Affaires familiales de Bayonne a accordé à une femme pacsée avec une autre l'autorité parentale conjointe sur les enfants de cette dernière. Sans faire référence à une quelconque circonstance particulière, contrairement aux jugements précédents sur des cas similaires qui n'avaient voulu reconnaître une telle autorité que de manière dérogatoire. Une décision qui, de fait, reconnaît l'homoparentalité, a fait remarquer leur avocate. Et qui pourrait marquer un important revirement de jurisprudence.
Les deux femmes qui se sont présentées devant la juge, Cécile J. et Marie-Catherine D., sont pacsées depuis septembre 2009. La première a mis au monde deux jumelles en février 2010, toutes deux reconnues par leur seule mère. L'enjeu pour Cécile J. et Marie-Catherine D. était donc d'être reconnues toutes deux comme les parents des fillettes. La juge a remarqué "les attestations multiples" faisant état "d'un couple uni, bien intégré dans leur milieu familial et social, et dont les qualités éducatives et affectives à l'égard des deux enfants sont reconnues". Et la magistrate a estimé "qu'il est de l'intérêt des deux mineures que les deux adultes présents au foyer partagent cette autorité parentale, et que celle-ci étant exercée déjà de fait conjointement, cette situation soit juridiquement consacrée".
"L'homoparentalité est enfin juridiquement reconnue"
Jusqu'à présent, la loi et la justice peinent à définir un traitement cohérent des familles homoparentales, refusant, dans le principe, de reconnaître les deux membres du couple comme parents, tout en admettant dans les faits des exceptions. Actuellement, l'article 377 du Code civil prévoit la possibilité d'une délégation d'autorité parentale à un tiers, mais seulement "lorsque les circonstances l'exigent". Expression vague qui ne suffit guère à la justice pour établir une jurisprudence intangible. C'est ainsi que la Cour de cassation a rejeté le 8 juillet 2010 la demande d'un couple de femmes pacsées, estimant qu'elles ne démontraient pas de "circonstances particulières" à l'appui de leur demande. Elles avaient argué de déplacements professionnels de la mère de l'enfant, mais la Cour les avaient jugés trop "exceptionnels" pour être considérés comme une telle "circonstance".
Mais un autre couple de femmes, qui s'étaient séparées sans heurt, et s'étaient mises d'accord sur une résidence alternée pour la fillette de l'une d'elles, avait en revanche obtenu gain de cause devant la Cour d'appel de Rennes le 30 octobre 2009, la séparation apparaissant justement comme la "circonstance" particulière requise. Le 24 mars 2011, le tribunal de Créteil avait également accordé l'autorité parentale conjointe à la compagne de la mère d'une petite Laura, prenant en compte cette fois les "fréquents" séjours en province de la mère biologique pour raisons professionnelles. Me Céline Campi, avocate du couple devant le tribunal de Créteil, a indiqué mercredi avoir eu le sentiment que le juge de cette affaire avait surtout voulu "faire primer l'intérêt de l'enfant sur les exigences restrictives de la Cour de cassation" et n'avait invoqué les déplacements de la mère que "pour limiter les risques d'un appel du parquet". Les déplacements de la mère biologique avaient également abouti à une décision favorable en janvier 2011 devant le tribunal de Versailles, et la garde alternée avait été le motif d'une autre à Aix-en-Provence fin 2008. Le 13 janvier 2010, le tribunal de Créteil avait aussi fait droit à une telle demande car la mère biologique souffrait d'un souffle au coeur.
Mais ce qui semble faire la nouveauté du jugement de Bayonne est qu'il n'est assorti d'aucune mention explicite de "circonstance" particulière. Ou plutôt, analyse Me Capdevielle, l'avocate des deux femmes, "la juge a considéré que les circonstances exigées par la loi étaient réunies sous forme de l'union et de la stabilité de ce couple, de l'affection portée aux enfants et des réalités de la vie quotidienne". De fait, pour elle, "le point le plus important à retenir dans cette décision est que l'homoparentalité est enfin juridiquement reconnue".
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